Des Grosses têtes
à l'histoire locale
Lors de l'émission "Les grosses têtes" de Philippe Bouvard, de samedi dernier,
Pierre
Bellemare a chanté une des premières chansons publicitaires, consacrée aux pastilles
Géraudel. - .
• Ces pastilles étaient fabriquées à Sainte-Ménehould et une légende, que je tiens d'une émission de télé datant de quinze ou vingt ans raconte ceci : (je résume)
1901, nous sommes en pleine Alliance franco-russe, le tsar, Nicolas II et la tsarine viennent assister au cours de leur séjour en France à la fin des manoeuvres de Champagne.
La femme du fabricant de pastilles était amie avec le sous-préfet de Menou. Elle lui demanda d'assister à la revue qui allait se dérouler entre Bourgogne et Witry-lès-Reims, au nord-est de Reims le 19 septembre 1901 et insista pour être placée à côté d'un haut dignitaire russe comme le ministre de la guerre, par exemple.
Elle revit plusieurs fois l'homme politique slave et il s'en suivit une fabuleuse commande de boîtes de pastilles destinées à guérir de la toux les troupes de l'armée russe. Chaque soldat ayant dans son paquetage une boîte des précieuses pastilles argonnaises., l'usine qui fabriquait les pastilles se révéla trop petite et dut être agrandie.
La mélodie de la chanson est assez connue. Il s'agit de l'air de la chanson de Paulus (1845-1908): "En revenant de la revue..." dont voici le refrain:
Gais et contents,
Nous étions triomphants,
En allant à Longchamp, Le coeur à l'aise,
Sans, hésiter;
Car nous allions fêter,
Voir et complimenter
L'Armée française.
Je donne quelques lignes d'un couplet :
Ma tendre épouse bat des mains
Quand défilent les Saint-Cyriens;
Ma beH'-mèr' pouss' des cris
En r'luquant les spahis;
Moi, j'faisais qu'admirer
Not’ brav'
La revue dont il est question est celle du 14 juillet 1886.
Le lieutenant-colonel Edmond Dominé, né à Vitry-Ie-François le 22 juillet 1848 vient de se couvrir de gloire en résistant, pendant trois mois avec 600 soldats de la Légion Etrangère et de l'Infanterie de marine, aux assauts de plusieurs milliers de Pavillons noirs au siège de Tuyen-Quan au Tonkin. (Janvier à mars 1885).
Il est rentré en France depuis un an, ses exploits effacent, dans l'esprit de nos compatriotes le souvenir cuisant de la défaite de 1870 et l'opinion publique le considère comme celui qui vient de redonner l'honneur aux armes françaises.
Dans cette euphorie on va élever un monument en l'honneur du sergent Bobillot, Titi parisien, tué au cours du siège. .
Dominé et ses troupes vont donc défiler lors de la revue du 14 juillet, mais ils seront à la place qui est normalement affectée aux coloniaux et qui n'est pas la première. Si bien que les Parisiens ne distingueront pas notre brav' colonel Dominé, 'héros de la première version de la chanson de Paulus, car tel était le dernier vers du refrain de la chanson originelle.
A cette époque, le général Boulanger cherche à créer dans le pays un mouvement d'agitation propre, selon lui, à l'amener au poste suprême de la République. Sa popularité est très grande et Paulus, opportuniste, chante désormais sa chanson avec pour vers final :
Not' brav’ général Boulanger.
Il aura un éminent successeur en Paul Claudel qui dédia 1' Ode au Maréchal â€t général de Gaulle en ne changeant que la dédicace devenue Ode au Général
Comme quoi à travers les histoires paillardes des Grosses Têtes il y a parfois matière à réfléchir.
On peut rappeler que la revue qui s'est déroulée en 1891 à quelques kilomètres de Vitry, à Matignicourt, a également contribué à replacer la France dans le concert des grandes puissances militaires européennes. Sans chauvinisme champenois, on peut affirmer que le colonel Dominé en 1885, la revue de Matignicourt de 1891 et la bataille de la Marne de 1914 ont effacé la triste image de Ja défaite de 1870.
K/
Référence : Le colonel Dominé par le commandant Charles Hubert. Ed. Berger-Levraut,
Paris, 1938.
Almanach du Messager de la Marne de 1902.
G.M.
Gilbert Maheut
Texte transmis à la presse locale le 05.07.1995